26 Avr Paris 2024 : “Mon cheval m’a permis d’accepter mon handicap
Paris 2024 : “Mon cheval m’a permis d’accepter mon handicap”… Les paradresseurs français évoquent leur relation à part avec leur monture
Sous l’immense dôme et ses charpentes en bois du Parc équestre fédéral de Lamotte-Beuvron (Loir-et-Cher), les cavaliers et cavalières de l’équipe de France de paradressage répètent leurs gammes. Pour préparer l’échéance cruciale de l’été, les Jeux paralympiques de Paris (du 28 août au 8 septembre), ils peaufinent l’harmonie de leur couple.
Un lien indéfectible lie cavaliers et montures. La connexion est dans leur cas d’autant plus forte qu’elle a souvent permis aux paradresseurs tricolores de dépasser leur situation de handicap. “Mon cheval m’a aidé tout le long de ma rééducation, c’est lui qui m’a fait accepter mon handicap”, assure Anne-Frédérique Royon, qui a dû laisser au repos sa monture, affaiblie par une tendinite, durant le rassemblement fédéral de trois jours en mars.
Quand l’animal se métamorphose avec le handicap
“Je venais de m’acheter mon premier cheval, Little Lucky de Jax, avec mon premier salaire de professeur, se rappelle-t-elle. Ça a été une belle histoire ce cheval, car il n’était pas facile et s’est métamorphosé après mon accident. Il est devenu doux, affectueux, attentif. Les gros traumatismes de la vie passent un peu mieux quand on a quelqu’un en face qui nous fait sentir que tout va bien.”
Un peu plus loin, Marion Chaussonnerie regagne le box avec Djin’ka. L’athlète de 38 ans retrace une trajectoire similaire. “Djin’ka, c’est une jument qui m’a beaucoup donné quand j’ai repris l’équitation. On a été championnes de France après seulement neuf mois passés ensemble, alors que j’avais beaucoup de mal à accepter ma pathologie”, explique-t-elle, la larme à l’œil.
Cette ancienne adepte des courses de saut d’obstacles a dû faire une pause de trois ans après un déménagement en Bretagne, la naissance de son deuxième enfant et la découverte de sa pathologie, une spondylarthrite ankylosante (inflammation et raidissement des articulations). C’est en se tournant vers le paradressage, avec l’aide de sa coach et propriétaire de sa monture Sandrine Clément, qu’elle a surmonté son handicap. “Ce titre, c’était un vrai pied de nez à tout ce que j’ai traversé. Je lui dois énormément.”
Une attention mutuelle
Céline Gerny, l’une des taulières de cette équipe de France, parle aussi de la relation fusionnelle qui l’a liée à son poney, malgré un accident en selle qui l’a laissée paraplégique à 18 ans. “À l’époque, il ne respectait rien, il tirait beaucoup… Du moment où j’ai été en fauteuil, je posais la longe sur mes genoux et il restait à côté de moi. Il était connecté et faisait attention. Ça m’a aidée à accepter mon handicap dans le sens où je me suis réintégrée dans le club où je montais avant, je me suis remise à cheval… Parfois, cette démarche peut être difficile quand on a changé d’état, d’accepter le regard des autres. Moi, mes chevaux m’ont accompagnée vers ça.”
En paradressage, le cheval s’adapte au handicap de son cavalier. A ce dernier de se montrer vigilant quant à l’état de forme de sa monture. “Quand le cheval doit prendre en charge quelqu’un qui n’a pas tout son équilibre ou toute sa mobilité, il ne peut plus réagir comme à l’état naturel”, décrypte Céline Gerny.
“Il faut trouver des chevaux en capacité de prendre sur eux sans mettre à mal leur santé, car ils vont devoir compenser des déséquilibres avec leurs muscles et ça peut créer des asymétries dans leur façon de fonctionner.”
Céline Gerny, cavalière membre de l’équipe de France de paradressageà franceinfo: sport
À quelques mètres de là, David Germain veille au grain. Le maréchal-ferrant des équipes de France d’équitation, qui va vivre ses cinquièmes Jeux, a les yeux fixés sur les différents chevaux qui déroulent dans le manège. “La spécificité avec les montures des paradresseurs, explique-t-il, c’est qu’elles sont canalisées toute la journée. Parfois, les chevaux ont besoin d’exploser aussi un peu, de se défouler et c’est là qu’il peut se passer des bricoles.”
Quatre années de travail pour créer l’osmose
Pour Vladimir Vinchon, le lien avec son cheval actuel, Pégase Mayenne, va même au-delà de sa seule personne. “Mon épouse et mes filles y sont très attachées. Voir le cheval familial arriver sur le toit du monde, représenter notre pays chez nous face aux meilleurs couples internationaux, c’est un aboutissement de fou, c’est magique !”
Le cavalier expérimenté de 50 ans, qui compte deux participations aux Jeux (à Londres et Tokyo), ne cache pas pour autant qu’il garde un œil sur Los Angeles en 2028. “Pour moi, ce sera l’aboutissement de ma carrière de haut niveau. J’ai un deuxième cheval de haut niveau en préparation, sachant qu’on parle de quatre ans pour arriver à maturité et avoir une parfaite osmose au niveau du couple. Il faut anticiper.”
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